Comme chaque été depuis quelques années, les imprimés « africains » ont envahi les collections dans les magasins. L’industrie de la mode semble se tourner de plus en plus vers le continent. Les grands groupes délaissent l’Asie au profit de l’industrie textile africaine. La mode est à l’éthique, au commerce équitable. Du Maroc à l’Afrique du Sud, en passant par le Sénégal, les créateurs de luxe africain gagnent en visibilité et de plus en plus de Fashion Week sont organisées sur le continent. Quelques pays se démarquent particulièrement et l’impact de l’industrie de la mode sur leur économie est notoire.
Ethiopie, le nouvel atelier du monde
Lorsque le groupe suédois H&M annonce en 2014 qu’il délocalise une partie de sa production en Ethiopie, le monde tourne les yeux vers un pays qui depuis quelques années déjà, a choisi de faire du textile un des fers de lance de son économie. Les industriels locaux comme les usines MAA du groupe Kebire appartenant au milliardaire saoudo-éthiopien Sheikh Mohammed Ali Amoudi et Almeda textiles se sont lancés dans la course au côté de filiales de grands groupes internationaux.
Avec des salaires entre 50 et 60 euros par mois, le pays offre des coûts de production presque dix fois moins importants que ceux de la Chine. Le dernier plan de transformation et de croissance publié par le gouvernement éthiopien prévoit d’accroître sa capacité d’exportation de 1.06 million de dollars US en 2009/2010 à 4.89 millions de dollars US en 2014/2015.
Nigéria, la première puissance du continent
En 2014, le Nigéria devenait officiellement la première puissance économique du continent. En même temps, la culture nigériane envahissait le monde. On connaissait déjà Nollywood, on a découvert une grande vague de talentueux chanteurs d’Afrobeat, on a vu Michelle Obama porter du Duro Olowu, créateur nigérian.
Kuddus Kolawole, le coordinateur de l’association des créateurs de mode du Nigéria pour l’Etat de Lagos annonçait en août 2014 que l’industrie de la mode au Nigéria pesait 10 milliards de dollars. Le pays tire avantage de sa forte population et de l’amélioration du niveau de vie de la classe moyenne. Une grande partie des acheteurs sont nigérians.
Les créateurs phares de la scène nigériane ont presque tous cette double culture occidentale et africaine qui leur permet d’avoir une vision large en terme d’esthétique mais aussi en terme de business. William Okpo, marque créée par les sœurs nigérianes Darlene et Lizzy Okpo ouvre ce mois une nouvelle boutique new-yorkaise.
Niger, le bon élève d’Afrique Francophone ?
Le Festival International de la Mode Africaine (FIMA) existe depuis 1998. Créé par le couturier nigérien Alphadi, le festival a pour but de créer des liens entre les acteurs de la mode de tous horizons.
Si le Niger ne compte pas autant de créateurs reconnus que les sud-africains ou les nigérians, il a le mérite d’être l’un des premiers pays en Afrique Francophone à avoir accorder une place de choix à la mode. Aujourd’hui, les Fashion Weeks se multiplient dans les pays francophones. On en compte parfois trois ou quatre organisées la même année sur de petits marchés. Le FIMA a, quant à lui, réussi à garder sa dimension panafricaine tout en proposant une programmation de qualité. Tous les deux ans, le FIMA accueille les jeunes talents de tout le continent. Des créateurs reconnus comme Yves Saint-Laurent ou Jean-Paul Gaultier y ont apporté leur soutien. Le festival change l’actualité du pays qui est trop souvent couverte par les épidémies ou la famine.
Kenya, la mode pour tous
Alors que le Nigéria ou l’Angola semblent focalisés sur l’industrie du luxe, le Kenya crée un marché pour tous. « Mitumba » est un exemple de ce marché pour tous. C’est un commerce labélisé de vêtements de seconde main qui est devenue une mine d’or pour le pays.
L’industrie grandit avec l’influence d’Instagram et des blogueuses comme Nancy Mwai, This is Ess ou Lucy Musau. La productrice et présentatrice TV kenyane Diana Opoti a compris cet intérêt et a créé « Designing Africa », une émission sur la croissance de l’industrie de la mode en Afrique. Elle est aujourd’hui diffusée dans 42 pays.
Le pays continue de développer son industrie textile qui, avant l’arrivée de l’Ethiopie sur le marché, est restée longtemps l’une des plus importantes d’Afrique de l’Est. Plusieurs créateurs kenyans ont réussi à gagner la reconnaissance internationale à l’instar d’Erin Beatty, créatrice de la marque pour femmes Suno.
On ne saurait parler d’impact de la mode sur l’économie africaine sans parler de l’Afrique du Sud, de ses Fashion Weeks et sites spécialisés, du Ghana et des créateurs phares comme Christie Brown, Mimi Plange ou Anita Quansah, du Mozambique et des superbes robes de Taibo Bacar ou encore de la Tanzanie et de sa Swahili Fashion Week. La liste n’est pas exhaustive. Plus que l’impact sur les résultats économiques de leurs pays, les industriels de la mode envoient une image, un message. Ils mettent leurs pays sur la carte du monde, montrent que l’Afrique n’est pas une entité mais un continent aux influences et talents divers. Ces créateurs qui prônent le « made in Africa » donnent du travail aux producteurs de coton, souvent lésés par le commerce international, offrent des formations aux artisans de la couture, ouvrent un nouveau marché de distribution. La chaîne du « made in Africa » ne serait complète sans un « Buy by Africa [1]» parce que pour faire perdurer cette nouvelle branche de notre économie, il faut faire confiance aux créateurs et acheter la Haute Couture africaine.
Textes de Marie Simone Ngane, chroniqueuse pour Inspire Afrika Magazine
[1] Buy by Africa : Acheter par l’Afrique. En référence au « made in Africa » qui signifie « Fabriqué en Afrique »
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