Que portait-on en Afrique avant l’arrivée de la colonisation ?
Les africains se baladaient-ils vraiment nus avec des feuilles en guise de cache-sexe?
Si certains peuples de la forêt utilisaient effectivement des feuilles et des peaux de bêtes, de nombreux récits portent à croire que les africains tissent depuis bien longtemps. Au IXème siècle, des explorateurs arabes témoignaient de la richesse vestimentaires de certaines tribus et de la qualité de leurs textiles.Ceux-ci jouaient un rôle important dans la vie des populations au vu des symboliques qu’ils portaient selon les techniques de tissage et de teinture utilisées.
Les récits des explorateurs arabes sont très prolifiques quand aux textiles du Soudan qui auraient selon eux découvert les étoffes en même temps que l’Europe. Ils avaient une industrie de filature et de tissage. Leurs produits étaient vendus aux berbères du Sahara. Dès le XIème siècle, les tissus soudanais étaient présents dans tous les pays méditerranéens et en Afrique de l’Ouest. Les centres de production de Tombouctou, Gao et Djenné étaient célèbres puis ont été remplacés par le Bornou au XIVème siècle lors de l’occupation marocaine. L’industrie était tellement florissante que les Anglais considéraient la région comme le Manchester d’Afrique.
La variété des textiles africains
Dans chaque cour royale, les tisserands occupaient un rôle important.
La richesse du tissu du vêtement d’une personne renvoyait à son rang dans la société. Aujourd’hui encore, au Burkina Faso, 5% de la population active est impliquée dans la production de textiles traditionnels.
En Afrique de l’Ouest par exemple, de nombreuses tribus se distinguent par l’originalité de leurs textiles. Dans l’ancien royaume du Dahomey, les tapisseries et tentures de Fon imposaient déjà le respect. Les Manjack présents en Guinée Bissau et en Casamance au Sénégal fabriquent le rabal un tissu entièrement brodé à la main. Les Ewe et les Ashanti du Ghana produisent le kenté. Les Baoulé et les Senoufo de Côte d’Ivoire tissent le kita. Au Burkina Faso, on fabrique le faso dan fani tandis que les Malinké du Mali fabriquent du bogolan. Au Nigéria, les Yoruba et les Haoussa sont fiers de leur aso-oké. En Afrique du Nord, on a le Kilim et en Afrique du Sud, les tricots de laine Xhosa.
Le wax en Afrique, un passé pas si glorieux
L’histoire du wax remonte au 19ème siècle. Au 17ème siècle, les Provinces-Unies (actuels Pays Bas), étendant les frontières de leur empire colonial, prennent Malacca aux Portugais, en 1644. Elles conquièrent ensuite Sumatra, Makassar et Java. Au début du 19ème siècle, l’atmosphère étant moins favorable en Asie, les Néerlandais commencent à recruter du personnel sur les côtes d’Afrique de l’Ouest où ils sont également installés pour aller combattre en Asie et défendre leurs intérêts. Ils recrutent notamment des guerriers Ashantis dans l’actuel Ghana, pour les envoyer combattre à Sumatra et à Bornéo ; ces tirailleurs reviendront au pays où ils deviendront commerçants, riches des batiks ramenés d’Asie.
En effet Le batik va alors avoir un énorme succès et les hollandais vont en tirer parti. Ils installent chez eux des usines qui vont reproduire ses pagnes et leurs motifs à l’aide de cire, le wax est né. Avec les années, les africains vont s’approprier le tissu et en fabriquer localement. Les motifs ont des noms originaux tels que « Tu sors, je sors », « Mon mari est capable », « Ton pied mon pied », « Quand femme passe les hommes trépassent », « L’œil de ma rivale » ou encore « Z’yeux voient, bouche parle pas ». Les nana benz deviennent la plaque tournante du commerce et les femmes redoublent d’ingéniosité pour sublimer le wax.
Comment les africains se sont appropriés un tissu, véritable symbole du commerce colonial ?
Au 18ème siècle, le déclin de l’empire Ashanti laisse la place aux missionnaires qui seront suivis par les commerçants néerlandais qui comprendront directement les attentes de la clientèle locale et amélioreront le produit. Cela est appuyé par les missionnaires qui voient dans ce pagne ciré et du goût local, le moyen de couvrir la nudité des femmes. La forme plus classique d’ailleurs chez les femmes est notamment le KABA.
Le WAX, l’esprit africain par excellence ? Amnésie des africains ou victoires commerciales des hollandais ?
Beaucoup d’africains ne considèrent pas assez les tissus traditionnels africains comme des tissus à valoriser car ils ne les ont vu utiliser que dans des cérémonies traditionnelles, qui ne sont pas souvent liées aux tendances urbaines. Le ndop de l’Ouest Cameroun n’apparaît presque plus exclusivement que dans les cérémonies, lorsqu’il est porté par les notables. Repris par la maison Hermès, les ressortissants de la région se sont sentis choqués. Choqués de voir utiliser par d’autres l’or qu’ils considèrent trop sacré pour être exploité.
Ne serait ce tout de même pas une forme d’amnésie qui frapperait la jeune génération que de penser que leur patrimoine et héritage est plus attaché au WAX, qu’aux textiles rituels de leur tradition ?
Comment le wax a réussi à éclipser les textiles traditionnels?
La dévaluation du Franc CFA a faussé la mesure des échanges. L’importation de vêtements de deuxième main a fini d’achever l’économie textile locale. Pour les africains, sur plus de trois générations, le wax est africain. Alors que l’avènement de la mode africaine aurait pu laisser rayonner de nouveau les textiles locaux, le wax lui a une nouvelle fois volé la place. Malgré les crises qui ont entraîné la fermeture de la majorité des usines africaines, certaines entreprises telles que SOBETEX Bénin, SONITEXTILE Niger, UNIWAX en Côte d’Ivoire, CICAM au Cameroun ou GTP au Ghana ont réussi à subsister. Cette dernière, l’une des 4 sociétés au Ghana qui produisent localement des tissus, a perdu 30% de sa production et diminué de moitié son effectif qui est passé à 650 personnes.
Au Ghana notamment, l’activité textile aurait perdu les quatre cinquièmes de ses effectifs entre 1975 et 2000. Pour autant, d’autres sources signalent que l’industrie ghanéenne est également menacée par les importations à bas coût venues de Chine, qui arriveraient notamment en fraude.
Comment redonner aux textiles africains leurs lettres de noblesse auprès des africains?
Le continent produit 10% du coton mondial mais ne possède que très peu d’usines. Les exportations africaines ne représentent que 0.5% de la production textile mondiale. Environ 16 millions de personnes sont impliquées dans la production, la transformation et la commercialisation du coton. Dans des pays comme le Tchad ou le burkina Faso, le coton représente plus de 5% du PIB. En son temps, Thomas Sankara avait imposé le port du Faso Dan Fani et de vêtements fabriqués en coton local. Pour Mohamed Aly, Ministre de l’industrie du Mali : » si on [le Mali] transformait au moins 20% de la production annuelle de coton au Mali, le pays serait développé. » Les importations de friperie représentent en Afrique jusqu’à 42,5 millions de dollars US par an selon Oxfam.
Literie en Faso Dan Fani de la maison intègre
Au Sénégal, la résistance et la persévérance entretiennent le rêve d’une marque authentiquement africaine avec une vision esthétique en phase avec les codes du luxe international. AISSA DIONE TEXTILES (ADT) s’attèle à faire perdurer l’effort et la vision d’une autre histoire textile en Afrique. En préservant l’art et les savoir-faire des tisserands mandjaques qu’elle embauche par centaines pour servir les plus belles marques du monde telles que HERMES, LOUBOUTIN, LOEWE ainsi que des décorateurs de renommée internationale tels que Jacques GRANGE ou Christian LIAGRE, elle démontre qu’une autre histoire de l’Afrique peut s’écrire à travers le textile et les savoir-faire locaux millénaires qui ont résisté à la colonisation. Au Japon par exemple des techniques de tissage similaires bénéficient du label UNESCO « patrimoine immatériel ».
Pour y arriver, un changement radical doit s’accompagner de beaucoup de volonté, ainsi que du concours de toutes les parties prenantes :
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